La Liberté

Bibiana Steinhaus, Madame l’arbitre

Pour la 1re fois, des matches de Bundesliga seront dirigés par une femme. Portrait d’une pionnière

Publié le 17.08.2017

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Allemagne » Lorsque le facétieux Franck Ribéry lui a subrepticement dénoué ses lacets samedi, en plein match de Coupe d’Allemagne, Bibiana Steinhaus lui a donné une bourrade amicale sur l’épaule et a souri. Celle qui va devenir cette saison la première femme arbitre de Bundesliga a dû surmonter des situations bien plus difficiles pour s’imposer au plus haut niveau.

De rares arbitres féminines ont officié en première division en France, en Italie ou en Angleterre, comme juges de touche. La Jurassienne Nicole Petignat a sifflé près de 100 matches en ligue nationale A et un match de Coupe d’Europe, mais Mme Steinhaus sera la toute première à tenir le sifflet dans un grand championnat. «C’est un message fort pour le reste du monde», s’est félicitée sur sa page Facebook la secrétaire générale de la FIFA, Fatma Samoura: «Si tu es bon, alors le sexe ne compte pas.»

«Un niveau au-dessus»

Quand Bibiana Steinhaus dirigera-t-elle son premier match du championnat d’Allemagne, qui commence ce week-end? La décision n’est pas encore tombée, mais Madame l’arbitre reste zen: «Je ne me pose pas la question de savoir si je vais arbitrer dix, douze ou seize matches, dit-elle, chaque match sera pour moi une preuve de confiance et mon but, c’est qu’à chaque coup de sifflet final, on dise: c’était le bon arbitre pour ce match-là.»

Il est vrai qu’à 38 ans, cette athlète de 1 m 81 a déjà tout connu dans le foot féminin, avec une finale de Coupe du monde, une des Jeux olympiques et une de Ligue des champions à son palmarès. «C’est un beau défi», sourit-elle simplement lorsqu’on lui parle de la saison à venir: «Tous les aspects de l’arbitrage me fascinent, y compris les difficultés. Je reconnais volontiers que la Bundesliga est encore un niveau au-dessus. Ça va beaucoup plus vite.»

Le sexisme et les préjugés qui ont accompagné sa carrière, elle en parle peu. «Je n’ai jamais eu comme but de faire progresser l’émancipation des femmes, avoue-t-elle, je fais juste ce que j’aime faire.» Même si son altercation en 2015 avec Kerem Demirbay, alors joueur du Fortuna Düsseldorf, avait fait couler beaucoup d’encre. Expulsé, celui qui est aujourd’hui international allemand avait été sanctionné de cinq matches de suspension pour lui avoir lancé que les femmes n’avaient rien à faire dans le football.

Après dix ans d’attente

Pour en arriver là, elle a travaillé très dur, avec un coach personnel: «J’ai besoin d’être au top physiquement et psychiquement, dit-elle, de bien étudier les équipes avant les matches, pour savoir à quelles tactiques de jeu je vais être confrontée, quels sont les joueurs clés, etc.»

Est-ce parce qu’elle est une femme? Cette fonctionnaire de police de profession a en tout cas patienté dix ans en deuxième division avant d’être promue. Plus de temps que n’importe lequel des 23 autres arbitres de Bundesliga.

«Pendant ses cinq premières années, Bibiana s’est fait sa place», justifie Lutz Michael Fröhlich, l’un des patrons de l’arbitrage en Allemagne: «Durant les cinq années suivantes, elle s’est fortement améliorée sur le plan physique et s’est adaptée aux exigences du haut niveau. En plus de cela, elle a développé de grandes compétences en matière de direction et de gestion du jeu. A la fin de la saison 2015-1016, elle était première du classement des arbitres de 2e division et l’an dernier elle était encore dans le groupe de tête.»

Pour l’instant sans rivale, elle a été six fois couronnée «arbitre féminine de l’année» par la fédération allemande (DFB). ATS/AFP

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